Drap de soye (1730-1733)

"La fabrique des draps de soye a été faite à Paris en 1730.
Ils se sont vendus jusqu’à dix écus l’aune et ont diminué jusques au dessous de vingt livres.
Les hommes en ont fait faire des habits et ceux qui auroient entrepris cette fabrique espéroient que s’ils ne réussissoient pas de cette manière, au moins seroient ils propres à faire des doublures. Ils se sont trompés à ce sujet : ce drap a trois défauts que l’usage a fait reconnoitre.
Il est trop pesant, il se bourre ou se cotonne continuellement et il s’allonge en tous sens, de manière que la doublure passe toujours l’habit : ce dernier défaut est sans ressources, parce que la soye n’a de sa nature aucun ressort et ne peut être employée utilement que lorsqu’elle est torse, sans quoy elle ne scauroit se soutenir.
Cette manufacture est tombée en 1733 et ce qui restoit de ces draps a été vendu pour doubler des courtepointes de lit, et on en a fait le même usage que de la houette."
 
Échantillons collectionnés par le duc de Richelieu, Louis-François-Armand de Vignerot Du Plessis (1696-1788)
 
Extrait de : Echantillons d'étoffes et de rubans recueillis par le Maréchal de Richelieu
(BNF - Gallica)
 

Des souliers brodés pour témoigner de sa passion (1739-1750)

"Cet Amant, qui en est très-épris, n'épargne rien pour lui témoigner sa passion ; & il n'y a pas plus de six mois qu'il lui envoya un habit de brocard d'or & d'argent, avec tout l'assortiment, les bas de soie, les souliers brodés & les plus riches coeffures. [...] On dit que la Dame bien conseillée a toujours eu la complaisance de recevoir, & la prudence de ne rien accorder, malgré les grands droits qu'on croit avoir en habillant une Dame de pied en cap ; ce qui a obligé son Amant à joindre encore son estime à l'amour, & à lui promettre de l'épouser. "
 
Extrait de : Causes célèbres et intéressantes, avec les jugemens qui les ont décidées. Tome 3, par François Gayot de Pitaval (1739-1750)
 
Illustration : Chaussure brodée (vers 1720-1749)
À certains endroits, la broderie est usée et nous pouvons voir le motif dessiné au crayon sur le tissu.
(The Metropolitan Museum of Art - New York)
 

Vous n'avez plus de poudre pour vos perruques ? Prenez du plâtre ! (1791)

M. du Harpin à Justine / Thérèse :
 
"Vous aurez trois onces de pain par jour, ma fille, une demi-bouteille d’eau de rivière, une vieille robe de ma femme tous les dix-huit mois, et trois écus de gages au bout de l’année, si nous sommes contents de vos services…Il s’agit de frotter trois fois la semaine cet appartement de six pièces, de faire nos lits, de répondre à la porte, de poudrer ma perruque, de coiffer ma femme, de soigner le chien et le perroquet, de veiller à la cuisine, d’en nettoyer les ustensiles, d’aider à ma femme quand elle nous fait un morceau à manger, et d’employer quatre ou cinq heures par jour à faire du linge, des bas, des bonnets et autres petits meubles de ménage. Vous voyez que ce n’est rien, Thérèse, il vous restera bien du tems…"
 
Justine / Thérèse à Mme de Lorsange : 
 
"Vous imaginez aisément, madame, qu’il falloit se trouver dans l’affreux état où j’étois pour accepter une telle place…Si ma cruelle situation permettoit que je vous amusasse un instant, madame, quand je ne dois penser qu’à vous attendrir, j’oserois vous raconter quelques traits d’avarice dont je fus témoin dans cette maison…Vous saurez cependant, madame, qu’on n’avoit jamais d’autre lumière dans l’appartement de M. du Harpin, que celle qu’il déroboit au réverbère heureusement placé en face de sa chambre ; jamais ni l’un ni l’autre n’usoient de linge ; on emmagasinoit celui que je faisois, on n’y touchoit de la vie ; il y avoit aux manches de la veste de monsieur, ainsi qu’à celles de la robe de madame, une vieille paire de manchettes cousues après l’étoffe, et que je lavois tous les samedis au soir, point de draps, point de serviettes, et tout cela pour éviter le blanchissage. On ne buvoit jamais de vin chez lui, l’eau claire étant, disoit madame du Harpin, la boisson naturelle de l’homme, la plus saine et la moins dangereuse. Toutes les fois qu’on coupoit le pain, il se plaçoit une corbeille sous le couteau, afin de recueillir ce qui tomboit ; on y joignoit, avec exactitude, toutes les miettes qui pouvoient se faire aux repas ; et ce mets frit, le dimanche, avec un peu de beurre, composoit le plat de festin de ces jours de repos. Jamais il ne falloit battre les habits ni les meubles de peur de les user, mais les housser légèrement avec un plumeau. Les souliers de monsieur, ainsi que ceux de madame, étoient doublés de fer ; c’étoient les mêmes qui leur avoient servi le jour de leurs nôces.
Mais une pratique beaucoup plus bizarre étoit celle qu’on me faisoit exercer une fois la semaine. Il y avoit dans l’appartement un assez grand cabinet dont les murs n’étoient point tapissés ; il falloit qu’avec un couteau j’allasse raper une certaine quantité de plâtre de ces murs, que je passois ensuite dans un tamis fin ; ce qui résultoit de cette opération devenoit la poudre de toilette dont j’ornois chaque matin et la perruque de monsieur et le chignon de madame…."
 
Extrait de : Justine, ou les Malheurs de la vertu, par Donatien Alphonse François, marquis de Sade (1740-1814)
 
Illustration : Portrait supposé du Marquis de Sade
 

Une définition de la busquière (1743)

"Se dit aussi d’une petite pièce d’étoffe brodée, que les Dames qui sont en manteau mettent devant leur estomac sur le corps de jupe, & qu’elles laissent un peu entrevoir."
 
Extrait de : Dictionnaire universel francois et latin ... avec des remarques d'erudition et de critique ... Nouv. ed. corr. et considerablement augm, Volume 1 (1743)
 
Illustration : Pièce en soie brodée de soie (début XVIIIe)
(Cooper Hewitt - New York)
 
Pour aller plus loin sur les pièces d'estomac, l'excellent article de Marie-Laure sur son blog De fil en dentelle :

Louis XVI adopte le chignon (vers 1780)

"La duchesse de Bourbon arrive à Montbéliard avec un catogan et des cadenettes, comme un jeune gandin ; cela cause un grand émoi dans toute la partie féminine de la société. Marie-Antoinette succomba un instant à la tentation d'adopter cette mode masculine.

Dès le lendemain, Louis XVI entra chez elle avec un chignon de femme. La reine se mit à rire, mais le roi lui dit gravement :
- Vous devriez trouver cela tout simple, Madame, ne faut-il pas nous distinguer des femmes, qui ont pris nos modes ? »
La leçon servit. Les coiffures masculines disparurent de la cour.
Cette jeune duchesse de Bourbon, si malheureuse et si aimable, se consolait des tristesses de la vie, en inventant des modes."
 
Extraits de : Mémoires de la Baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789, Volume 1 (1853)
Histoire de la coiffure féminine, par la Ctesse Marie de Villermont (1892)
 
Illustration : Portrait de Louise-Marie-Thérèse-Bathilde d'Orléans (1750-1822), duchesse de Bourbon, par Carmontelle (1770)