Mode d'automne - Homme en habit de drap puce (1786)

Déjà la pâle & sombre automne a déchiré les habits légers qui siéent à la belle saison, & reproduit ceux d’un tissu plus épais, plus fort, plus moëlleux & plus propre à garantir de la fureur des frimats. Eh quoi ! le tems insatiable a dévoré les jours de nos plaisirs ! plus de promenade dans les bois ! plus de plaines joyeuses ! Dans un instant, il nous faudra, tristes casaniers, attendre, dans un éternel & fatigant repos, les jours où, libres & dégagés de ses liens douloureux, nous pourrons aller nous ébattre, jouer, sauter dans de sombres forêts, ou dans des champs riches de mille fleurs différentes ! que cette année a passé rapidement ! Quelque peu qui nous en reste, saisissons-le, jouissons-en.
Les habits qui semblent devoir être de mode pour cette automne, sont les habits de drap puce.

L’homme figuré dans cette planche en porte un de cette couleur. La doublure de son habit est d’une couleur pareille. A tous les bords est attaché un petit liseret blanc, formant le passe-poil.
Ceci est une mode que l’on ne connoissoit pas dans les tems plus reculés, où la doublure seule fournissoit le passe-poil. C’est une rafinerie moderne qui présage qu’incessamment les passe-poils disparoîtront. Quand il n’y aura plus qu’à arracher le liseret, le passe-poil finira bientôt ; & déjà nous en sommes-là. Mais que nos sectaires ne s’épouvantent pas ; les doublures de couleur adaptées tiendront encore long-tems, si pourtant on ne vient point à les chamarrer d’une manière grotesque. Car vous savez qu’il n’y a qu’une surcharge ridicule qui fait s’éclipser sur le champ une mode qui promettoit un long règne. Lorsque les passe-poils auront cessé, on en sera quitte pour faire renfermer toute la doublure en dessous de l’habit. Nous vous renvoyons au quatorzième cahier, pour savoir de quelle sorte il faut unir les doublures aux étoffes.

Les boutons de l’habit de notre homme sont de nacre de perles, avec un rond en or gravé au milieu.
Il porte sous son habit un gilet rose moëré, à raies violettes.

Sa culotte est d’un drap Casimir, couleur queue de serin. Elle colle parfaitement sur les cuisses, qu’elle tient étroitement serrées.
Ses bas de soie sont à raies bleues & blanches.
Ses boucles de souliers sont d’un oval parfait ; celles de jarretière sont d’un quarré-long.
Dans ses goussets de chaque côté, sont deux montres. A l’une pend un simple cordon noir, avec une large clef en or ; & à l’autre une chaîne en or, avec quelques breloques en or.
Ses mains sont couvertes de gants de chamois, jaunes, légers. L’une de ses mains est appuyée sur une canne de bambou assez forte, garnie d’un cordon de soie noire, avec des glands.

Ses cheveux sont frisés en une large grecque, & à quatre grosses boucles de chaque côté. Par derrière ils sont nattés à la Panurge.
Son chapeau à l’Androsmane est posé sur un socle, sur lequel il s’appuie lui-même, pour rêver profondément.

                       Extrait de : Cabinet des modes, ou Les modes nouvelles - 21e. Cahier

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