"Hiver 1670...M. de Vivonne était un des plus
familiers de cette cour ou pour mieux dire de cette compagnie; son
laisser-aller et ses façons spirituelles le faisaient bienvenir du
prince, qui le mettait de toutes ses parties. Un jour il l'emmena courir
sur le canal, dans un traîneau fabriqué à la façon de ceux de Pologne.
M. de
Vivonne fut si transporté de cet
amusement, qu'il alla aussitôt en parler à madame sa sœur. Celle-ci
n'eut point de repos qu'elle n'eût un traîneau tout semblable; et toutes
nos dames de même. La rivière en fut bientôt couverte. Alors ce fut à
qui aurait les plus magnifiques on en fit avec des armoiries et des
dorures comme aux carrosses; mais celui de madame de Montespan effaça
tous les autres. C'était pourtant une grande imprudence à elle de
s'aller aventurer dans cette sorte d'amusement elle y exposait non
seulement sa vie, mais encore une autre vie non moins précieuse, et dont
elle, seule et le roi avaient le secret. Par une adresse digne de son
esprit, elle avait inventé une manière de robe large et flottante très
propre à déguiser la taille, et dont elle fit passer la mode à
l'occasion des traîneaux. On s'enveloppait là-dedans comme dans une
mante, et puis on allait courir sur la glace. Toutes nos dames
raffolaient de ce nouveau costume; et on ne parla plus à la cour que des
robes flottantes et des traîneaux de Pologne. J'étais bien obligée de
me mêler à tout ce mouvement, et de prendre cet habit dont une autre
jadis n'aurait pas eu l'honneur. C'était pour moi un vrai supplice que
de passer cette robe, et je me rappelle que parfois, me laissant aller à
la peine devant ma. fille qui me servait, je lui disais, en lui
demandant mes habits "Donnez-moi la robe de Nessus". Cette comparaison,
que je prenais de la mythologie, rendait bien à mon gré la torture que
me faisait subir la vue de cette robe."
Extrait de Mémoires de Madame de La Vallière [auteur présumé du texte] par Auguste Brizeux (1829)
La robe battante aurait été inventée par Madame de Montespan pour
dissimuler ses grossesses car elle ne révélait pas la taille. La robe
battante est aussi appelée ballante, flottante ou innocente, mais aussi
déshabillé, négligé, ou encore robe de chambre.
Dans sa comédie Les Mots à la mode (1694), Edme Boursault dit quelques mots sur cette robe de chambre "innocente" :
Une robe de chambre, étalée amplement,
Qui n'a point de ceinture et va nonchalamment,
Pour certain air d'enfant qu'elle donne au visage,
Est nommée innocente, et c'est du bel usage.
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Robes de chambre et déshabillés - Portrait de madame de Montespan et ses enfants par Pierre Mignard vers 1676-1677 |
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Lettres de la Princesse Palatine, Elisabeth Charlotte du Palatinat, duchesse d'Orléans (9 août 1718 et 12 avril 1721) |
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Innocentes |
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