On ne paroît ni à la cour, ni dans les assemblées, ni mêmes aux premieres loges aux spectacles, en chapeau (1778)

"Une partie essentielle de la coëffure d’une femme à Londres, c’est un chapeau plat & rond, qui est une des plus adroites inventions de la coquetterie : il releve la beauté ; il déguise la laideur ; il donne du jeu & de la grace à la physionomie. Il est impossible d’imaginer les ressources qu’une Angloise tire de son chapeau. Ce qui pourra paroitre singulier, c’est qu’il est exclus de leur parure de cérémonie. Elles l’abandonnent dans des occasions d’éclat. On ne paroît ni à la cour, ni dans les assemblées, ni mêmes aux premieres loges aux spectacles, en chapeau : des robes Françoises, des chignons François, des plumes Françoises sont la décoration forcée dont l’étiquette charge alors les femmes de Londres."

Extrait de : Mélanges de politique et de littérature, par Simon Nicolas Henri Linguet (1778)

Illustration : Chapeau de 38 cm de diamètre (vers 1750-1770. Il est décoré de plumes de coq et de pintade de couleurs naturelles et teintées en bleu, jaune, rouge et vert. Les plumes sont cousues sur un fond de lin doublé de taffetas bleu.
(Victoria & Albert Museum - Londres)
 

Apprenez à confectionner un oeillet en toile ! (1767)

"Le Bouquetier est celui qui fait ou qui vend des bouquets artificiels. Son art consiste à imiter avec le tafetas, la toile, le papier, les plumes, le parchemin, les cocons de ver à soie & autres matieres convenables, toutes les fleurs & plantes naturelles, & à en distribuer si bien les nuances, qu'on puisse s'y méprendre.
On pourra juger par la façon de faire un œillet, dont nous allons parler, de celle de faire toutes les fleurs en général. 
 
Pour faire un œillet, on prend tout ce qu'il y a de plus beau & de plus fin en toile ; on la savonne jusqu'à ce qu'elle soit d'un beau blanc, après quoi on lui donne un petit œil de bleu.
Après cette opération, on a de l'empois qu'on délaie dans l’eau & on empese la toile un peu plus que du linge ordinaire. Quand elle est empesée on la fait sécher, & quand elle est bien seche, on découpe les feuilles de l'œillet que les Bouquetiers appellent amandes. Ces feuilles se découpent simplement à la main, ou avec un emporte piece, qui est un outil de fer ou d'acier, dentelé comme le sont les feuilles d'un œillet naturel.
Les feuilles étant découpées, on prend un fil de fer ou de laiton, on attache à une de ses extrémités avec du fil deux petits plumeaux, c'est-à-dire deux brins de plumes qui forment ces deux petits pistiles blancs qu'on apperçoit au milieu de l'œillet naturel. Pour lors on songe à faire le cœur ou le bouton de l'œillet, ce qui s'exécute avec du coton en laine, qu'on enduit ensuite d'une pâte composée d'empois & de farine ; quand ce petit bouton est sec, on passe dessus une petite couche de verd tendre.
Après ces différentes opérations, on commence à coudre les feuilles sur le bouton, observant d'y placer d'abord les plus petites ; & d'aller toujours en augmentant ; on les chiffonne avec les doigts à chaque rang pour les friser, comme elles le sont naturellement.
Quand on suppose l’œillet assez gros, on ajuste au bouton ce que les Bouquetiers appellent araigne, & qu'on apperçoit à l'œillet naturel en forme d'étoile. Cet araigne est composé de papier verd. Ensuite on forme le culot, c'est-à-dire, cette espece de calice qui contient toutes les feuilles. Le culot est composé de coton en laine, sur lequel on passe la même couleur qu'on a passée sur le bouton. Pour lors il est question de former la queue de l'œillet ; pour y réussir, on couvre le fil de fer, ou de laiton avec du coton en laine, & on emploie la même couleur que ci-dessus. On ajoute, si l'on veut, tout au long de la tige, de distance en distance, de petites feuilles de velin verd : leur distribution dépend du goût de l’Artiste. Quand on veut que l'œillet soit panaché ou rouge, on le peint en conséquence après toutes les opérations que nous avons détaillées ; observant de mêler un peu de gomme arabique à la couleur qu'on destine à ce travail.
Dans l'œillet, comme dans la tulippe, on doit avoir soin que les panaches soient bien opposés à la couleur dominante, & nullement brouillés ou confondus avec elle. Ou doit de plus observer que les panaches doivent s'étendre sans interruption, depuis la racine des feuilles, jusqu'à leur extrémité. Les gros panaches, par quart ou par moitié de feuilles, sont plus beaux que les petites pieces. La belle largeur d'un œillet est de trois pouces sur neuf ou dix de tour, les plus gros en ont quatorze & quinze On estime beaucoup la multitude des feuilles, parcequ'elle forme une fleur plus délicate. L'œillet est beaucoup plus beau quand il pomme en s'arrondissant avec grace en forme de houppe, que quand il est plat.
Avec trop de mouchetures il seroit brouillé ; avec trop de dentelles il seroit hérissé. Quand l'extrémité des feuilles, au lieu d'être proprement arrondie, s'allonge en pointe, il est affreux c'est le pire de tous les défauts. 
 
Les Bouquetiers à Paris ne composent point une Communauté, & ne sont appellés Bouquetiers, que parce qu’ils font principalement le commerce des bouquets artificiels, ou des fleurs dont on les compose. Le négoce des fleurs artificielles est considérable, non seulement par les grands envois dans les pays étrangers, mais encore par la consommation qui s'en fait en France, & particulièrement à Paris, soit pour l'ornement des autels, soit pour la parures des femmes, qui emploient les plus belles, ou dans les bouquets qu'elles mettent devant elles, ou dans leur coeffure, ou même dans leur habillement, sur tout dans les palatines & les fichus."
 
Extrait de : Dictionnaire portatif des arts et métiers. Tome 1 (1767)
 
Illustration : Portrait de dame à l'oeillet (1754), pastel de Jean Valade
"L'inventaire manuscrit du Département des Arts Graphiques indique : Portrait présumé de Mademoiselle Daleton, femme du botaniste de l'Académie des Sciences."
(Musée Sainte-Croix - Poitiers ; photo Christian Vignaud)
 

Echantillon de Gros de Tours broché (1736)

Échantillons collectionnés par le duc de Richelieu, Louis-François-Armand de Vignerot Du Plessis (1696-1788)

Extrait de : Echantillons d'Etoffes des Manufactures etrangeres recueillis par le Marechal de Richelieu. Tome 5
 
(BNF - Gallica)
 

Un tailleur qui s'en sort bien (1777)

« Un tailleur de Paris va ces jours-ci chez sa brodeuse, au troisième étage ; ne la trouve point ; entre dans un cabinet d’aisance, & monte sur le siège, sur lequel descendoit une fenêtre très basse, ouverte en ce moment. Cet homme s’évanouit, passe par la fenêtre & tombe dans la cour sur un auvent, qui le renvoie sur un autre. Le bruit de sa chûte fait accourir les voisins, qui sont surpris de trouver dans la cour un homme qui se relève, ramasse sa perruque, sa montre & son chapeau, paie les frais de l’auvent brisé & se retire.»
 
Extrait de : La feuille sans titre (23 février 1777)
 
Illustration : Panneaux brodés pour un habit masculin (années 1780)
(The Metropolitan Museum of Art - New York)
 

Surprenant, n'est-ce pas ?

Il y a quelques jours, cet habit avait illustré un de mes petits billets. Il faisait partie du contenu du Château d'Hauteville (Suisse), mis en vente en 2015 par l'Hôtel des ventes de Genève, Piguet. Il était décrit ainsi : "Habit à la française en soie bleu ciel brodé d'une frise d'éventails en fil argent, années 1760, habit sans boutonnière avec manches à revers en soie écrue, gilet en soie écrue brodée et culotte à pont, l'ensemble orné de sequins."
La datation et le col nous avaient intrigués.
 
Portrait peint vers 1786 de Louis-Stanislas-Xavier, comte de Provence, futur Roi Louis XVIII (1755–1824), par Joseph Boze (1745-1826)
(Hartwell House)
 
La broderie est différente (un galon sur l'habit qui a été vendu ?) mais on dirait l'habit du Comte de Provence à première vue !
Habit XVIIIe ou déguisement XIXe ?
 

Poisson d'avril ! (1780)

"On rapporte trois origines différentes de ce jeu populaire, usité tant à Paris que dans la province, le premier jour de ce mois. Les uns l’attribuent aux fréquentes pêches que l’on fait d’ordinaire en avril. Ils prétendent que comme assez souvent il arrive, qu’en croyant pêcher du poisson, on ne prend rien du tout, c’est de là qu’est née la coutume d'attraper les gens simples & crédules, ou ceux qui ne sont pas sur leurs gardes.
D’autres croient qu’on disoit autrefois passion d’avril, & que le mot de poisson a été substitué par corruption. Ils conjecturent que c’étoit une mauvaise allusion à la passion de J.C., & que comme le sauveur fut indignement promené, non cependant par dérision, de tribunal en tribunal, de-là provient le ridicule usage de renvoyer d’un endroit à l’autre ceux dont on veut s’amuser. On donne enfin au poisson d’avril une origine plus récente. Un auteur prétend qu’un prince lorrain que Louis XIII, pour quelque mécontentement, faisoit garder à vue, dans le château de Nancy, trouva le moyen de tromper ses gardes, & se sauva le premier jour d’avril, en traversant la Meuse à la nage ; ce qui fit dire aux Lorrains que c’étoit un poisson qu’on avait donné à garder aux François. Ann. Litt. n° 16, 1768."
 
Extrait de : Encyclopédie, Ou Dictionnaire Raisonné Des Sciences, Des Arts Et Des Métiers : PLA - POR, Volume 26 (1780)
 
Illustrations :
La femme d'un pêcheur - L' Assemblage nouveau des manouvries habilles, par Martin Engelbrecht (vers 1730)
(BNF - Gallica)
 

Drap de soye (1730-1733)

"La fabrique des draps de soye a été faite à Paris en 1730.
Ils se sont vendus jusqu’à dix écus l’aune et ont diminué jusques au dessous de vingt livres.
Les hommes en ont fait faire des habits et ceux qui auroient entrepris cette fabrique espéroient que s’ils ne réussissoient pas de cette manière, au moins seroient ils propres à faire des doublures. Ils se sont trompés à ce sujet : ce drap a trois défauts que l’usage a fait reconnoitre.
Il est trop pesant, il se bourre ou se cotonne continuellement et il s’allonge en tous sens, de manière que la doublure passe toujours l’habit : ce dernier défaut est sans ressources, parce que la soye n’a de sa nature aucun ressort et ne peut être employée utilement que lorsqu’elle est torse, sans quoy elle ne scauroit se soutenir.
Cette manufacture est tombée en 1733 et ce qui restoit de ces draps a été vendu pour doubler des courtepointes de lit, et on en a fait le même usage que de la houette."
 
Échantillons collectionnés par le duc de Richelieu, Louis-François-Armand de Vignerot Du Plessis (1696-1788)
 
Extrait de : Echantillons d'étoffes et de rubans recueillis par le Maréchal de Richelieu
(BNF - Gallica)